La thérapie systémique : L' école de Palo Alto
La "thérapie brève" est un concept né au Mental Research Institute (M.R.I) de Palo Alto (dans la baie de San Francisco) en Californie, dans la deuxième moitié de ce siècle. Le M.R.I. est un réseau d'échanges intellectuels qui a rallié de nombreux chercheurs issus des différents horizons des sciences humaines et des sciences dites exactes, de la cybernétique en particulier.
Leurs
travaux de recherches concernaient la communication - humaine et
animale - et ont bouleversé les prémices de ce qui faisait alors
l'unanimité dans ce domaine, donnant naissance à l'approche systémique
de la communication sous l'impulsion de Grégory Bateson. Paul Watzlavick
et John Weakland s'inspirèrent, entre autre, du travail du thérapeute
hors du commun qu'était Milton H. Erickson et créèrent le Centre de
Thérapie Brève du MRI.
Celui-ci mit au point un modèle thérapeutique particulièrement
performant : c'est un outil concret pour organiser la pensée et une
logique pour agir qui ravit ceux pour qui obtenir un changement est un
maître-mot quand ils ont à résoudre un problème. Il est radicalement
différent - pour ne pas dire hérétique - par rapport aux modèles
thérapeutiques plus anciens, la psychanalyse en particulier.
Description
A Palo Alto, l'intervention vise le changement : elle tentera de
définir le problème en termes concrets - ici et maintenant. A le situer
dans la façon dont cette personne vit ses communications dans le
"système relationnel" qui est le sien. Pour diminuer sa douleur,
physique ou morale, elle visera dans le plus bref délai et de la façon
la moins invasive possible, à lui faire faire les apprentissages
nécessaires à vivre mieux demain ce qui lui cause problème aujourd'hui.
Elle tente de comprendre dans quel contexte ce comportement douloureux
peut avoir un sens plutôt que l'étiqueter, le juger .. Considérant le
symptôme comme la moins mauvaise réponse possible du patient dans le
contexte qui est le sien, elle cherche à élargir l'éventail de ses choix
possibles par des expériences nouvelles dans sa vie, et non par des
explications, des compréhensions ou des théories.
Loin de tenter d'apprendre au client le crédo thérapeutique et les
interprétation du thérapeute, ce qui soulève des résistances bien
compréhensibles, et freine donc le changement, l'intervention s'appuiera
sur les capacités, les ressources et les valeurs du patient, qui sont
autant de moteurs dans la direction souhaitée.
De même, elle travaillera avec la (ou les) personnels) qui
souhaite(nt) que la situation change et qui est prête à s'y investir, et
pas forcément avec celui ou celle qui présente le symptôme.
Cela suppose un patient actif, progressant par petits pas (faisables et
faits !) qui - assez vite - peuvent faire boule de neige, une fois
amorcés - et un thérapeute créatif. Comme son nom l'indique,
l'intervention se fera brièvement : l'activité du patient vise à rendre
le thérapeute inutile aussi vite que possible !
L'apport le plus spécifique de Palo Alto est sans doute sa conception
du rôle du paradoxe dans nos problèmes répétitifs : alors que le bon
sens résout 9 problèmes sur 10, il arrive que des solutions apparemment
logiques, appliquées de façon apparemment variée, sont paradoxalement
inefficaces : on constate alors que ces solutions n'étaient que des
variantes d'une même façon de faire et que le problème que nous croyions
chronique est en réalité entretenu.
Il faut alors d'abord arrêter les solutions inefficaces, puis imaginer
une solution à 180' des précédentes, qui peut paraître paradoxale,
étonnante... et se révéler curieusement efficace !
Ceci surprend celui ou celle qui est habitué(e) à des interventions plus
classiques, maniant abstractions et interprétations, croyant qu'un
changement ne peut être que lent, douloureux et nécessiter une recherche
"profonde" et donc invasive d'une cause passée plutôt que l'acquisition
d'une compétence nouvelle.
Parmi eux, nombreux sont ceux qui croient que connaître les supposées
causes de leur trouble actuel suffit à l'améliorer : nous pensons au
contraire que la connaissance du pourquoi n'est ni nécessaire ni
suffisante pour changer. Nous cherchons plutôt comment nous créons et
entretenons notre problème, afin de savoir comment en sortir.
Le rôle clairement actif et créatif du thérapeute peut aussi surprendre...
Cette méthode de résolution de problèmes peut s'appliquer dans le domaine thérapeutique, mais aussi dans toute recherche de solution dans un "système", un groupe humain : elle trouve ainsi sa place dans la gestion des ressources humaines, le champ social, médical, psychologique, etc...
Conclusions
A ne pas mettre entre toutes les mains : à réserver à celui qui est "prêt à marcher sur les mains" pour que cela change...
Cette thérapie n'est pas brève par hasard... Elle relève de présupposés clairs et d'une logique sérieusement charpentée.
Comme outil efficace, celui-ci peut être mal employé : vérifier la formation et la compétence du thérapeute.
Docteur Yves Doutrelugne